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Le défi pour les entreprises n’est pas tant de trouver du financement que des talents

Économie – 11 janvier 2023

Les entreprises qui tireront leur épingle du jeu seront celles qui placeront l’humain, la RSE et l’adaptabilité au cœur de leur stratégie, selon Philippe Molas, directeur général de BNP Paribas Développement

Philippe Molas, directeur général de BNP Paribas Développement

Dans la nébuleuse du private equity figurent aussi les acteurs bancaires. Depuis sa création en 1988, BNP Paribas Développement investit ses fonds propres pour soutenir le développement des PME et ETI françaises. La filiale autonome du groupe BNP Paribas bénéficie en effet d’une solidité financière privilégiée lui permettant d’envisager ses prises de participations avec plus de sérénité et de stabilité. Si le montant des investissements ne nous a pas été communiqué lors de cette enquête, nous évaluons ceux-ci à plus de 1,5 milliard d’euros au total en 2022. Le fonds adopte une approche généraliste avec un portefeuille de 422 participations dans différents secteurs – les matériaux, la fabrication de pièces et de sous-ensemble pétroliers, les éclairages publics, les services – avec toutefois une prédilection pour les medtechs. Peu soumis aux aléas du marché – contrairement aux fonds, composés en grande partie de nombreux investisseurs, contraints par les variations boursières – il est un tiers de confiance qualifié de “stable” par les dirigeants.

Les vertus du long terme

Ce partenaire commercial mise sur des participations minoritaires au sein des entreprises, sans véritablement influer sur la gouvernance en place. Un atout de taille pour les dirigeants qui préfèrent rester les seuls capitaines à bord du navire. En outre, l’approche de long terme dans l’accompagnement permet la réalisation d’opérations de croissance externe ou de réorganisation capitalistique avec parfois un second tour de table en cours de route.

“Ce partenaire commercial mise sur des participations minoritaires au sein des entreprises, sans véritablement influer sur la gouvernance en place. Un atout de taille pour les dirigeants qui préfèrent rester les seuls capitaines à bord du navire”

Contrairement aux autres acteurs equity de la place, BNP Paribas Développement calcule son TRI (taux de rentabilité interne) sur une période longue, ce qui lui confère un atout concurrentiel de taille. “Depuis 30 ans, nous sommes toujours présents sur ce marché, précise Philippe Molas, directeur général de BNP Paribas Développement. Notre approche sur le long terme fait toute la différence.” Et pas des moindres, car les fonds classiques de private equity restent en moyenne 7 ans au capital des entreprises (selon un rapport de l’AMF) dans le cadre d’opérations de capital-risque, capital-développement ou capital-transmission, contre 10 ans pour la filiale du groupe BNP Paribas. Cette thèse d’investissement permet aux entreprises de se projeter sur le long terme, sans craindre de traverser des crises ou des variations de marché. Avec des horizons de sortie non figés à l’avance, les dirigeants d’entreprise peuvent poursuivre leur stratégie de développement avec plus de sérénité.

Parmi les principaux secteurs financés au cours des dernières années figurent en première position les acteurs technologiques de la santé. “Environ 50 % de notre portefeuille en venture est composé d’entreprises innovantes positionnées sur le segment medtech, et c’était déjà le cas bien avant la pandémie” précise Philippe Molas. Avec un ticket d’entrée compris entre 1 et 20 millions d’euros, le fonds cible principalement les PME/PMI ayant plus de trois années d’existence, et un chiffre d’affaires compris entre 10 et 100 millions d’euros. Pour les opérations en capital-investissement, les montants peuvent atteindre 20 millions d’euros, contre 3 millions d’euros pour le capital-innovation. En sus d’une innovation technologique majeure, l’entreprise doit pouvoir démontrer d’une transformation digitale, écologique, ou encore environnementale. Les secteurs du spatial et du conseil sont particulièrement appréciés par le fonds, avec notamment la récente prise de participation au sein de l’entreprise YouSpace, ou encore l’entrée minoritaire au capital d’Archery Strategy Consulting, une entreprise dirigée par Stéphane Albernhe (ancien managing partner de Roland Berger) et Bertrand Mouly-Aigrot. “Même si les nuages pointent à l’horizon, nous restons éveillés. Nous avançons ce dernier semestre avec prudence et opportunisme” indique le directeur général de BNP Paribas Développement. Depuis 2020, la filiale de BNP Paribas a financé plus d’une centaine d’entreprises, tous secteurs confondus.

Selon Philippe Molas, l’enjeu majeur des dirigeants se trouve à l’heure actuelle dans la pénurie de nouvelles recrues. “Le défi des entreprises n’est pas tant de trouver du financement mais plutôt des talents, et de s’adapter à la transformation organisationnelle majeure [liée au télétravail, ndlr] depuis la pandémie.” En effet, les tensions de recrutement s’accentuent, notamment dans les secteurs du BTP et de l’industrie, en particulier la métallurgie. Les entreprises qui tireront leur épingle du jeu dans ce contexte macroéconomique complexe seront “celles qui placeront l’humain au cœur de leur stratégie” précise le directeur général de BNP Paribas Développement. En combinant l’ensemble de ces critères, à savoir le capital humain, la responsabilité sociale et de gouvernance, et l’adaptabilité, les dirigeants de PME/ETI multiplieront – certainement – leurs chances d’obtenir un financement.