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"Les signaux sont encore au vert pour les small cap" Pour les PME tricolores, l’heure est à la vigilance mais pas encore à l’inquiétude, selon Jean-Louis Etchegoyhen de Bpifrance

Corporate Finance – 11 janvier 2023

Le ralentissement des opérations en private equity n’affecte pas tous les secteurs de l’économie française. Si les opérations en large cap, en particulier dans le digital se tarissent voire sont annulées pour certaines, celles visant les PME/ETI en small-mid cap ont encore le vent en poupe.

Pas moins de 138 milliards d’euros investis en 2021 dans les entreprises européennes, selon l’étude Invest Europe, et l’année 2022 est en passe d’être un excellent millésime, avec une augmentation de près de 51 % par rapport à l’année précédente. Mais après avoir prospéré durant la pandémie, les investisseurs affrontent désormais de grandes incertitudes en cette fin d’année 2022. Avec une enveloppe de 48 milliards d’euros d’actifs sous gestion, la Banque publique d’investissement (Bpifrance) est l’un des fleurons de l’économie française. En 2021, celle-ci a pris près de 300 participations au sein d’entreprises innovantes – PME, ETI et grandes entreprises – pour un montant total de 2,86 milliards d’euros. Le département dédié aux opérations en small cap, dirigé par Jean-Louis Etchegoyhen, directeur des fonds France investissement régions/small cap, dispose de 2 milliards d’euros à investir dans “les petites et moyennes entreprises françaises”. Il lui reste à ce jour une enveloppe de 600 millions d’euros disponible, sans compter les 220 millions d’euros des obligations Relance, lancées fin 2021 dans le cadre du plan gouvernemental France Relance – qui s’adressent principalement aux PME et ETI françaises présentant un plan de développement par le biais d’une croissance organique ou externe.

L’épreuve de vérité

Pour les entreprises tricolores qui ont su tirer leur épingle du jeu durant la pandémie, en se faisant notamment accompagner par Bpifrance ou par l’un des dispositifs mis en place par le gouvernement, “elles survivront ; pour les autres, c’est l’heure de vérité” indique Jean-Louis Etchegoyhen. Selon lui, “les signaux sont encore au vert” pour les opérations en small cap, et les investissements se poursuivent sur l’ensemble des pans de l’économie française. “Je ne sens pas de vague de fond négative pour les PME, juste de la vigilance” note-t-il. La plupart des sociétés accompagnées par la Bpifrance ont trouvé des solutions à un possible retournement de marché, notamment par un refinancement en cours de route, ou par l’activation du dispositif Fonds de Renforcement des PME, un nouveau fonds lancé post-covid, doté de 150 millions d’euros supplémentaires, prêt à prendre le relais des obligations Relance lors des trois prochaines années.

Les opérations en small cap tirent leur épingle du jeu

Si le contexte géopolitique et les restrictions du marché bancaire ont eu un impact sur les opérations en large cap en touchant principalement les grandes entreprises françaises, et le secteur de la tech – notamment les scale-up aux fortes valorisations – les opérations en small cap (ticket d’entrée de 500 000 euros et jusqu’à 10 millions d’euros) continuent de croître. À mi-octobre, le département des fonds France investissement régions/small cap a vu ses investissements progresser de 20 % par rapport à 2021, avec une demande soutenue de fonds propres de la part des PME/ETI. “La demande reste forte, et les opérations initiées d’avril à juin se concrétisent aujourd’hui”, précise Jean-Louis Etchegoyhen. Exemple d’investissement emblématique récent : celui du Groupe Lacroix, spécialisé dans les produits d’emballage en bois pour l’agroalimentaire, pour un montant de 6 millions d’euros et une prise de participation minoritaire du fonds. L’entreprise basée dans le Jura dispose de filiales à l’international et a été accompagnée par Bpifrance dès 2009, aux côtés de Siparex.

“À mi-octobre, le département des fonds France investissement régions/small cap a vu ses investissements progresser de 20 % par rapport à 2021, avec une demande soutenue de fonds propres de la part des PME/ETI”

Autre dossier phare, celui de la société Omnis, positionnée dans le secteur de l’enseignement supérieur, qui vise une croissance externe régionale avant d’atteindre, à moyen terme, une dimension nationale. Ou encore le groupe normand Frenehard, basé dans le département de l’Orne, une ETI française qui revendique 300 millions d’euros de chiffre d’affaires et se positionne sur le segment de la fabrication et la distribution d’équipements de sécurité pour le travail en hauteur. Frenehard a également bénéficié du soutien de Bpifrance avant d’aller tenter sa chance sur le marché européen en opérant plusieurs acquisitions stratégiques aux Pays-Bas et en Espagne.

L’approche d’investissement

La BPI intervient auprès des entreprises principalement par le biais de prises de participations minoritaires aux côtés d’autres actionnaires familiaux, industriels ou financiers. Dans le cadre de son activité fonds de fonds, elle investit auprès d’investisseurs privés et joue un rôle actif dans la gouvernance de l’entreprise. Dans l’ensemble de ses investissements, elle accompagne les entreprises avec un positionnement sur le long terme – des durées supérieures à 7 ans – afin de stabiliser le capital des entreprises et soutenir une vision stratégique. Au cours de ces deux dernières années, Bpifrance a accompagné les entreprises fragilisées par la crise sanitaire en mettant en place des reports d’échéances pour les PGE, en particulier pour celles présentant une bonne gestion et des perspectives de développement à l’international. Au total, le département régions/small cap a pris 500 participations au sein des PME et ETI françaises.

Focus sur les secteurs de la santé, du digital et de la transition énergétique

En 2021, la Bpifrance a réalisé 2,86 milliards d’euros d’investissement direct, et son positionnement “généraliste” pour le financement de l’économie française se poursuit avec un focus plus important sur des secteurs d’avenir : la santé, la transition énergétique et les filières bois et éco-matériaux, l’économie circulaire ou encore l’enseignement supérieur. Ces secteurs ont bénéficié de près de 30 interventions en fonds propres de la BPI. Même si leurs valorisations s’envolent au cours des derniers mois, avec des acteurs prêts à payer 2 à 3 tours d’Ebitda de plus, il n’est pas à craindre “une bulle” dans ces secteurs, comme ce fut le cas notamment pour celui de la Tech. Les entreprises innovantes et les éditeurs de logiciels sont également dans le viseur de la BPI.

“Les grands enjeux de la banque publique concernent principalement la capacité des entreprises au portefeuille à surmonter les difficultés liées à l’augmentation du coût des matières premières, notamment les secteurs de la métallurgie ou encore l’agroalimentaire”

“Nous poursuivons avant tout notre mission d’accélérer le développement et favoriser la transmission des entreprises” indique Jean-Louis Etchegoyhen. “Au premier semestre, il y a eu de nombreux build-up, et aucun coup d’arrêt depuis septembre” précise-t-il. Les autres secteurs phares sont le nucléaire civil et la défense/sécurité, avec un fonds géré pour le compte de la direction générale de l’Armement. À l’heure actuelle, les grands enjeux de la banque publique concernent principalement la capacité des entreprises au portefeuille à surmonter les difficultés liées à l’augmentation du coût des matières premières, notamment les secteurs de la métallurgie ou encore l’agroalimentaire.

Investissements small cap réalisés dans les PME/ETI (en nombre d’opérations/montant)
2020 : 70 / 150 millions d’euros
2021 : 120 / 290 millions d’euros
2022 : 140 / 380 millions d’euros (incluant les obligations Relance)
Ticket d’entrée : de 500 000 euros à 10 millions d’euros
Entreprises cibles : PME/ETI
Approche multisectorielle, avec un focus sur la santé, la transition énergétique, les filières bois et éco-matériaux, et l’enseignement supérieur